Une vie après sa mort
Zero
tempête...
Un
drame commun
Deux
...ième drame
Trois
pistes à suivre
Quatre
générations
Cinq
boucles

Sujet: Nouvelles
Date: Jeudi 10 juillet 1997 22:42:59 -0500
De: Jérôme
à: Silvana

J'ai passé une bonne partie de la journée à faire la navette au dépanneur. C'était tellement frappant qu'il devenait facile de mesurer: maman a bu plus de quatorze litres de liquides hier.

Aujourd'hui, visite médicale en clinique. Son état est curieux. Rien de clair, rien de spécifique. Il faut l'hospitaliser. Immédiatement.

Une hospitalisation. C'était clairement dans l'éventail des possibilités. Mais je ne l'avais pas réalisé. C'était trop théorique. Là, j'assiste à quelque chose pour lequel je ne suis pas préparé. Avant, convaincu que c'est la tête qui gère la maladie, je savais comment je pouvais intervenir. Maintenant un aspect clinique, physique influe sur le moral. Il faut tenter de comprendre ce côté clinique. Qu'est-ce qui se passera? Qu'est-ce que je peux faire qui soit utile, tout en la respectant ? Comment évolue-t-elle, cette maladie ? Qu'est ce que cela peut signifier pour moi? Où vais-je ? Que fais-je ?

Une première belle surprise est venue du personnel de l'Hotel-Dieu de Montréal. L'infirmière qui a eu soin de ma mère a réussi, dès les premiers instants, à obtenir sa confiance, à l'écouter, à ne pas la brusquer, à avoir des mains magiques dans sa manière de la déplacer... à ne pas être source de lamentation quelconque. Vu le côté un peu râleur de ma mère, voilà une crainte dissippée. Le reste a suivi. Presque toutes les infirmières du deuxième LeRoyer me semblent avoir une approche chaleureuse et humaine. Ma mère n'avait pas tort de mettre en doute un retour définitif en France ou en Italie - elle avait la conviction intime d'être bien traitée ici.

Ce soir, je n'ai d'autre choix que de végéter devant la télé. Une entrevue de Robert Charlebois me donne des frissons. Il racconte comment sa mère avait eu le cancer. Que l'épisode avait duré quatre ans, et qu'il ne souhaitait pas que quiconque vive une chose pareille. Merci, Robert, de m'avoir avisé...

Toutes ces questions, mais personne vraiment à qui en parler... J'ai une autre tactique en tête. Il y a beaucoup de patients cancéreux dans ce pavillon. Je vais ouvrir les oreilles, regarder, digèrer. Et parfois poser une question pour bien enregistrer un morceau du puzzle.

Comme on ne sait pas ce qu'elle a, je ne sais vraiment pas combien de temps je serai là.

Jérôme