Une vie après sa mort | |||||||||
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Maman va sortir demain. Les examens ont été faits et re-faits. Pourtant je ne connaissais toujours pas son bilan médical. Au bout de trois semaines, je me suis un peu enervé. J'ai confronté le médecin de garde, me posant des questions sur leur professionalité - combien de temps leur faut-il pour tous ces examens? Elle m'a répondu: Tout est complété. Nous savons tout ce que nous devons savoir.Alors je suis passé à l'attaque, posant des questions sur tout ce que je connaissais sur son état passé. J'ai ainsi obtenu le bilan complet.Ah?Est-ce que votre mère ne vous a pas informé des résultats?Non. Pourquoi vous poserais-je ces questions, sinon?C'est difficile... Mon devoir est de respecter le choix du patient. Je ne peux pas vous informer, c'est du ressort du patient. Mais nous avons dit à votre mère que nous croyons que vous deviez être informé... Après 14 jours, les médecins ont finalement trouvé que l'hypothalamus et l'hypophyse avaient été metastasées. Ces glandes ne produisaient plus de substances anti-diurétiques: ma mère n'absorbait donc plus de liquides. Une prescription de ces substances synthétiques a réglé le problème. Puis elle s'est sentie mieux. Ça se voyait aussi, pour le peu que cela apportait. Les médecins ont aussi conclu que les médicaments prescrits en février n'avaient pas fonctionné comme voulu; le cancer du sein était ré-apparu. Quoi faire alors? De la radiothérapie pour éviter d'autres complications au niveau du cerveau. Et de la chimio pour ré-attaquer le cancer du sein. La chimio, dans le fond, c'est comme un fusil à pompe - on tire un large éventail de petites boules et on accroche ce qu'on peut - des cellules cancéreuses, comme des cellules saines. Le progrès c'est quand on réussi à rendre ce tir plus comme un fusil de précision, allant à l'attaque de la cible voulue et en quantité voulue... Impasse chez ma mère. Elle ne veut plus de traitements. Elle ne veut pas perdre ses cheveux à nouveau. Dignité ? Ou valeur mal placée ? Tout ce que je sais est que ses cheveux courts lui vont si bien; ils repousseront certainement. Mais elle ne veut pas l'entendre ainsi. Maman obtient son congé dans ces conditions. Des médicaments règlent ses petits problèmes. Son niveau d'énergie reste bien bas. Il me faut de nouveau travailler son mental; je la pousse, mais discrètement. Les actions éclatantes ne sont pas vraiement bien placées à ce point. Ma mère n'a qu'un désir. C'est d'aller à Boston voir ses amis. J'ai honte de l'écrire, mais je l'ai pensé: "Pour une dernière fois". Maman y a certainement pensé aussi. Nous partons vers la mi-août. Au moins maman va rentrer dans son appartement dans un état impeccable. Elle devrait être à son aise. Je n'ai pas fait grand chose d'autre depuis trois semaines. Aller-retour à l'hopital, arranger son espace de vie, vélo et piscine. J'ai pas trop envie de voir mes amis; je préfère garder intérieur ce bout du voyage. Ce calme me semble juste... Je t'embrasse Jérôme |