Une vie après sa mort | |||||||||
|
|||||||||
Aujourd'hui, la tonne de briques, dont je ne doutais pas l'existence, m'est tombée sur la tête. Quand maman a téléphoné il y a deux semaines, je t'avais dit que je ne l'avais jamais sentie comme cela auparavant. Sa voix était désespérée... J'avais peur... En arrivant ici, une fois de plus, elle avait fait les choses à sa manière. Je lui avais demandé de prendre rendez-vous à la clinique pour le lendemain de mon arrivée. Elle répliqua qu'elle avait cru comprendre que l'on ferait cela à mon arrivée... Un autre de ses écrans de fumée... elle sait que cela prend parfois deux semaines pour avoir un rendez-vous; mon voyage était prévu pour douze jours! Vas comprendre ce qu'elle a en tête! Sais-tu qu'elle n'a pas voulu téléphoner, que j'ai dû le faire moi-même après trois jours... Mais tout ça, ce n'est rien... J'ai vu qu'elle réussissait certaines choses normalement, alors que d'autres faisaient l'objet de peines incroyables que je n'avais jamais imaginées. Deux sentiments qui m'habitaient: incertitude... inquiétude... Dans le fond, je ne connaissais pas du tout sa maladie. Je ne connais pas la (les) maladie(s). Encore moins le cancer. Oncologie? Une parole que j'ai découvert aujourd'hui. Aujourd'hui je n'ai plus d'incertitudes, plus de zone d'ombre. Les choses sont claires. Et très pesantes quand tout se concrétise. Nous avons été voir son médecin. Après la consultation, il m'a pris à part et m'a demandé: Êtes-vous au courant de son état de santé?Pour moi c'est clair: il faut intervenir - sans tarder et avec un cheminement stratégique. Nous n'avons pas laissé une chance à ma mère de dire non. Elle a eu sa première séance dans l'heure qui a suivie. Elle craignait pour la perte de ses cheveux; j'ai tenté de lui faire comprendre qu'il était plus important qu'elle soit avec nous, qu'autre chose...Oui et non. Je sais qu'elle a le cancer, mais la gravité, le quoi, le comment, les traitements, rien... Ma mère me cache bien des choses; c'est donc normal pour moi. Elle est peu loquace quant à ce que les médecins lui ont dit, à part que 'ça ne se guérit pas' .Elle a un cancer du sein. La tumeur est venue à la surface. Ce n'est pas très beau à voir. C'était l'objet de son pansement. Le cancer s'est étendu aux os, d'où les douleurs et les pilules que nous lui avons prescrites. Et puis en juin, il y a eu cette jaunisse; le foie a été touché. Cela a exigé une intervention, une occlusion biliaire - un détour du foie, le jour de la Saint-Jean Baptiste.Que faire?Il n'y a pas grand choix: la chimiothérapie. Et tout de suite: on ne peut pas attendre. Je vais rester ici encore trois à quatre semaines pour l'accompagner à travers son deuxième traitement. Je ne veux pas qu'elle fasse un traitement pour me faire plaisir et puis ensuite faire semblant. Puis, je lui laisse aller à son troisième traitement toute seule. Son quatrième traitement c'est près de son anniversaire. Cette fois-là je viendrai à Montréal avec Arianna, comme elle le voulait pour ce voyage-ci. Mais je lui garderai la surprise. Je vais aussi tenter de faire venir ses amis à Montréal pour son anniversaire. Puis je revienderai pour les Fêtes. Et je garderai aussi la surprise que tu est enceinte de nouveau. Comme l'enfant est prévu pour le début avril, elle pourrait être en meilleure forme et pourrait revenir aussi pour sa naissance. Et cette fois, pour un baptême à la St. Jean, elle pourrait être présente! Tout à coup, la prochaine année est vraiment claire. Je vois tout, nettement. Il n'y a pas de choix... Bon, je vais tenter d'aller terminer cette journée de manière reposante... Jérôme |