Une vie après sa mort
Zero
tempête...
Un
drame commun
Deux
...ième drame
Trois
pistes à suivre
Quatre
générations
Cinq
boucles

Le 14 juin 1963

Mrs. Lu
4, villa Maurice Rollinet
Paris 19è France

Ma petite Bernadette,

Je viens d'avoir un coup de fil d'une de tes amies, Marie-Claire, de Marseille. Inutile de te dire combien nous avons été heureux d'avoir de vos nouvelles, à Jérôme et à toi, après ces interminables mois de silence. Elle nous a un peu rassurés en me racontant combien tu luttais courageusement, elle m'a aussi dit que ton petit Jérôme était superbe. Nous avons peu entendu parler de Catherine. Ne penses-tu pas, ma petite Bernadette, qu'il est grand temps de prendre une décision à son sujet.

Dans ma dernière lettre, je t'ai exposé franchement la situation et je t'ai fait connaître mon point de vue. Catherine ne peut rester ainsi loin de toi et de son petit frère indéfiniment. Elle a besoin de sa mère et d'être élevée avec son frère. Je fais tout ce que je peux pour elle mais c'est très insuffisant car j'ai des soucis, des charges, du travail, plus qu'il n'en faut. Il m'est impossible de faire plus, je ne peux pas te remplacer, tenir la place d'une 'maman'. Catherine a besoin de toi, plus que jamais, tant du point de vue affectif qu'éducatif. Les études ici ne sont pas brillantes. Elle n'est pas admise en 6è et doit redoubler sa 7è, Elle a eu, je crois, la malchance de ne pas 'accrocher' avec sa maîtresse et cela c'est essentiel. Je ne suis malheureusement que de loin son travail mais les méthodes d'enseignement libre me désolent (Nicole aussi, qui est dans l'enseignement public)

Il faudrait suivre de très près le travail scolaire de ta petite fille. Je ne le peux pas. Si j'ai accepté de m'occuper de Catherine c'est que tu me l'avais demandé. Pour un mois, trois mois maximum et voilà trois ans que cela dure.

Dimanche 16. Je continue cette lettre dans mon stand, aux puces, marché Biron, car nous avons un nouveau stand et c'est moi qui le tiens; c'est te dire si je suis surmenée. Mais il le fallait après toutes les tuiles qui nous sont tombées sur la tête et ce qu'il nous faut maintenant payer.

Il ne fallait donc pas que ta charmante petite fille pâtisse de cette situation. C'est pourquoi je t'ai mise au courant à plusieurs reprises de ce qui se passait avec la grand-mère. Catherine ne pouvait rester, ainsi délaissée à la pension. Et malgré ma répugnance, j'ai permis à la grand-mère de la prendre, de lui acheter ce dont elle avait besoin, en la remboursant bien entendu. Catherine est très belle fille, grande, forte pour son âge et il y a toujours quelque vêtement ou chaussures à acheter. La grand-mère s'occupe aussi de son linge - couture, etc. pas moyen de faire autrement, Comment voudrais-tu que je trouve le temps de courir les magasins avec Catherine !!

Quant à laisser ta petite fille tous les week-end à la pension, il n'en est pas question. D'abord, il faut obligatoirement la prendre le 1er dimanche du mois. Et puis, peut-on la laisser toujours enfermée sans affection! Il en est de même pour la 'Colo'. Comment pourrait-on la laisser toutes les vacances à Port-Bail alors qu'elle est déjà l'année entière en pension. Chez des bonnes soeurs!!

Il a bien fallu, cette année encore, que je m'arrange pour lui donner des vacances agréables. Je la prends 15 ou 18 jours en septembre, Le mois d'août, elle le passe à la 'Colo' et juillet je la laisse à la grand-mère qui l'emmène à Cannes.

Dieu sait, si cela m'est pénible d'avoir des contacts avec une personne qui à si mal agi envers maman. C'est vraiment la nécessité qui m'y pousse.

20 juin. Depuis longtemps, je t'ai mise au courant de cette situation et tu ne me donnes pas signe de vie.

Ma petite Bernadette, je te presse instamment de ne plus tenir ta fille éloignée de toi et de son frère. La situation telle qu'elle est ne peut plus durer. J'ai fait, pendant ces trois ans, tout et même plus que je ne le pouvais pour que ta petite ne soit pas isolée et soit entourée d'affection. Je répète encore que la place de Catherine est auprès de vous.

Les vacances approchent. Ouf! Je suis à bout. Que de soucis de tous ordres. Catherine et Raphaël ne sont pas faciles à manier! Raphaël passe son Bac. Catherine va entrer en 3è. Philippe a réussi cette année tous ses examens. Sylvie est une excellent élève et Nathalie une mignone petite fille, rose et joufflue. Pascal et Olivier sont aussi des amours. Que de joie avec nous petits, mais aussi que de tracas. Josée est souvent malade; toujours ses terribles crises de foie! Guy travaille d'arrache-pied pour aménager leur maison. Lu n'a pas passé un bon hiver. Il suit maintenant un traitement qui lui redonne des forces. Moi, je suis très fatiguée et l'âge me travaille.

Nous partons Lu et moi quelques jours à Nice pour nos affaires et ensuite nous allons en Espagne, près de Santander, passer nos vacances. J'ai loué une maison pour la saison. Le médecin veut que nous prenions Lu et moi un long repos. Nous l'avons bien gagné.

Je te demande instamment de m'écrire rapidement. Parle-moi aussi longuement de vous deux.

Je t'embrasse ma petite Bernadette, de tout coeur. Une grosse caresse à Jérôme.

Bons Baisers de tous

Magda

Je suis en train de mettre de l'ordre dans les comptes. J'espère pouvoir te dire bientôt où nous en sommes.